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Auto‑héberger ses données : liberté, visibilité… et comment éviter le cimetière des services

En 2024, Meta a utilisé vos photos Instagram pour entraîner son IA sans vous le demander. Google a fermé plus de 250 services. Vos contenus disparaissent, sont censurés ou nourrissent des algorithmes qui ne vous appartiennent pas. Il est temps de reprendre la main.

Auto‑héberger ses données : reprendre le contrôle sans se noyer

On publie textes, photos, vidéos chaque jour… mais le plus souvent sur des plateformes qui ne nous appartiennent pas. Entre censure, exploitation commerciale (IA, pub, revente), fermetures brutales et dépendance algorithmique, l’envie de redevenir maître de son web grandit.

Bonne nouvelle : il existe des solutions simples (WordPress hébergé), des voies intermédiaires (VPS) et des options très libres (mini‑PC/RPi à la maison). À chacun son chemin.


1. Pourquoi ne plus dépendre exclusivement des plateformes

1.1. Elles peuvent fermer du jour au lendemain

Petit rappel du cimetière des services :

  • Google Reader (2013), Google+ (2019), Picasa (2016), goo.gl (2019), Stadia (2023)…
  • Et aussi : Wave, Inbox, Orkut…
  • Hors Google : Yahoo! GeoCities (2009), Posterous (2013), Delicious (plusieurs fois repris/abandonné)

Moralité : si votre contenu vit uniquement là‑bas, il disparaît avec eux… ou devient pénible à récupérer.

1.2. Censure et modération opaques

Règles mouvantes et bots de modération =

  • Posts supprimés pour des raisons floues
  • Comptes suspendus sur signalement (parfois abusif), sans autre forme de procès
  • Visibilité réduite (shadow ban bannissement furtif / invisibilisation discrète)

Sur votre propre site, vous fixez les règles (dans le cadre légal).

1.3. Vos contenus entraînent des IA et peuvent être revendus

En acceptant les CGU (Conditions Générales d’Utilisations), vous autorisez souvent :

  • L’entraînement de modèles d’IA
  • Le profilage publicitaire
  • Le partage/la revente à des partenaires (data brokers, annonceurs…)

Sans rémunération, ni contrôle réel. Héberger chez vous (ou chez un prestataire choisi) réduit fortement cette exploitation.

1.4. La dépendance algorithmique

Sur les plateformes, votre visibilité dépend d’un algorithme. Certes, votre site part de zéro en visibilité, mais vous contrôlez votre stratégie (SEO, newsletter, bouche‑à‑oreille…).


Par où commencer selon votre profil

Créateur solo / freelanceWordPress chez un hébergeur (simple, rapide, pas de ligne de commande)

Association / petite structure → WordPress hébergé (ou VPS si vous avez un tech dans l’équipe)

Bidouilleur / dev curieuxVPS (+ Docker, panel, CI/CD…)

Militant décentralisation / geek hardwareMini‑PC ou Raspberry Pi à la maison (ex.: Raspberry Pi chez Kubii)


2. Reprendre le contrôle : deux approches concrètes

Voie n°1 : WordPress chez un hébergeur mutualisé

Le meilleur choix pour la majorité.

Atouts :

  • Installation en 1 clic chez : OVHcloud, Infomaniak, o2switch, Ionos, Alwaysdata
  • Interface simple, pas de terminal
  • Sauvegardes & mises à jour souvent automatiques
  • Écosystème immense (thèmes/plugins)
  • Vous possédez votre contenu et votre nom de domaine

Limites :

  • Moins « fun » pour les gros bidouilleurs
  • Un minimum de maintenance (quelques clics par an)

En pratique : simplicité + coût modéré + liberté = combo gagnant.

Voie n°2 : auto‑hébergement assisté (VPS, mini‑PC/RPi)

Pour plus d’indépendance :

Avantages :

  • Contrôle renforcé (services/versions/config)
  • Héberger mails, cloud, messagerie…

Inconvénients :

  • Demande quelques bases techniques
  • Sécurité/sauvegardes à votre charge
  • Pannes possibles (coupure élec, disque HS) — surtout à la maison. Les géants ont la redondance, vous non.
  • Connexion domestique (upload faible, IP dynamique) : à gérer. Sur un VPS, le prestataire gère la connectivité, et l’entraide est abondante.

Combien ça coûte ?

Option Coût récurrent Coût initial Temps/compétences Coûts cachés
Plateformes sociales / Medium 0 € 0 € Très faible Vos données, dépendance, pub ciblée
WordPress chez un hébergeur ~5–10 €/mois Domaine ~8–12 €/an Faibles (interface graphique) Quelques heures/an de maintenance
VPS (WordPress ou autre) ~5–20 €/mois Domaine ~8–12 €/an Moyen (SSH, sauvegardes) Temps de sécu/MAJ, risques d’erreur
Raspberry Pi chez soi 0 €/mois (hors élec) ~80–120 € (Pi + SD + alim) Moyen (réseau, ports, DNS) Matériel à remplacer, coupures, sauvegardes

Le « gratuit » coûte vos données. Le « payant » coûte quelques euros… et un peu de temps.


Migration en douceur (optionnelle)

(Rien d’obligatoire : c’est possible, pas indispensable. Pioche ce qui t’est utile.)

  1. Exporter vos données (outil d’export natif : posts, images, contacts…)
  2. Nettoyer/organiser (JSON → Markdown/HTML, renommer les images)
  3. Importer dans WordPress (plugins d’import, RSS, CSV…)
  4. Redirections & annonce (ancien domaine/URL, post « On déménage », tweet épinglé, newsletter)
  5. Syndiquer depuis votre site : publiez chez vous, relayez des extraits/liens ailleurs (POSSE : Publish on your Own Site, Syndicate ElsewherePublier d’abord sur votre propre site, syndiquer ailleurs)

Aspects légaux (France / UE)

  • RGPD : vous êtes « responsable de traitement » → registre minimal, droit à l’effacement
  • Mentions légales : identité, hébergeur, contact (obligatoires)
  • Cookies & traceurs : consentement si Analytics/pub (préférez Matomo en mode exempté)
  • Commentaires : vous êtes responsable → charte & mécanisme de signalement/retrait (comme sur Facebook, ce qui peut entrainer une suspension de compte)

Ressources communautaires utiles

  • Forums & collectifs : Framasoft / CHATONS, WordPress Francophone, LinuxFR, forums OVH/Infomaniak
  • Tutoriels vidéo : Grafikart, Décodeur Digital, chaînes dédiées à Hugo/Jekyll/Pelican
  • Docs & blogs : doc officielle WordPress, guides Hugo, blogs d’admin système FR
  • Accompagnement : petites agences web éthiques, indépendants, collectifs associatifs

Mythes à déconstruire

  • « C’est trop compliqué » → WordPress en 1 clic, assistants, sauvegardes auto
  • « Personne ne me trouvera » → SEO + newsletter + relais sociaux = audience durable
  • « C’est moins sécurisé » → Une plateforme oubliée est risquée ; un site perso bien tenu est sûr
  • « Ça coûte cher » → 5–12 €/mois vs la valeur de vos données/liberté

Quelques chiffres qui piquent

  • WordPress propulse ~43 % des sites web
  • Google a fermé + de 250 services depuis 2000
  • Les plateformes suppriment des millions de contenus chaque trimestre (rapports de transparence)

Visibilité : le vrai sujet qui fâche

Lancer un site perso, c’est comme ouvrir une boutique dans une ruelle : au début, personne ne passe. À vous de créer la circulation.

Amorcer la pompe :

  • POSSE (Publier d’abord sur votre propre site, syndiquer ailleurs)
  • Newsletter : canal direct, pas d’algorithme
  • SEO : titres clairs, structure, performances
  • Réseau humain : commenter, échanger, collaborer
  • Formats réutilisables : podcasts, vidéos auto‑hébergées, relayées ailleurs

C’est plus lent, mais beaucoup plus solide.


Sécurité, sauvegardes, conformité

  • Mises à jour (WordPress, plugins, système — la plupart du temps auto, ou en 1 clic)
  • Sauvegardes automatiques (Base de données + fichiers)
  • SSL/TLS via Let’s Encrypt pour profiter du HTTPS
  • Protection anti‑spam/attaques (plugins, pare‑feu applicatif, fail2ban…)

Rien d’insurmontable avec un hébergeur sérieux et un peu de méthode.


Tableau récapitulatif

Solution Simplicité Contrôle données Pérennité Visibilité initiale Risques techniques
Plateformes sociales / Medium… ⭐⭐⭐ ⭐⭐⭐
WordPress chez hébergeur ⭐⭐ ⭐⭐ ⭐⭐ ⭐ (à construire)
VPS / Serveur perso (auto‑host) ⭐⭐⭐ ⭐⭐⭐ ⭐ (à construire) ⭐⭐

(⭐ = faible, ⭐⭐ = moyen, ⭐⭐⭐ = fort)


Conclusion

S’auto‑héberger ne veut pas dire tout faire soi‑même dans une cave obscure.

  • Pour la majorité : un WordPress chez un bon hébergeur = simplicité + propriété + pérennité
  • Pour les passionnés : VPS, mini‑PC, Raspberry Pi = autonomie totale, écosystème perso (mails, cloud, wiki…)

Dans tous les cas, mettez votre site au centre et les réseaux en périphérie.

Votre site est votre maison. Les réseaux ne sont que des vitrines.


Bonus : check‑list de départ

  • Choisir un nom de domaine court et mémorisable
  • Prendre un hébergeur sérieux (support, sauvegardes, SSL inclus pour le HTTPS)
  • Installer WordPress ou un CMS statique (CMS = Content Management System — système de gestion de contenu)
  • Activer sauvegardes automatiques et mises à jour
  • Prévoir un plan de visibilité (newsletter, SEO, relais sociaux)

Prêt à (re)prendre possession de ton web ? 😉